Fondée en 1957, ÉLAN est une publication désormais annuelle, éditée par le Fec. Indépendante de tout groupe de presse, elle aborde aussi bien des sujets économiques, sociaux, politiques, religieux ou culturels. Elle représente un concentré des activités du foyer : résumés des conférences, pages opinions, recensions, articles d’analyse.
ELAN 2022
Prix : 19 € (hors frais de port)
294 pages.
Directeur de la publication : Etienne TROESTLER
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Éditorial de la publication 2022
Par Etienne Troestler
Il nous semblait que nos démocraties occidentales étaient solides, avec des institutions bien ancrées et qu’elles garantissaient notre sécurité… Mais des violences à nos portes, que nous pensions ne plus jamais voir, renaissent. L’imprévisible Poutine, l’énigmatique Xi Jinping, bien d’autres régimes autoritaires – dictatures ?– dans de grands ou petits pays font craindre aujourd’hui que nos démocraties libérales ne soient plus aussi fortes que cela. Il nous semblait que l’interdépendance économique au niveau mondial, que la lente mise en place d’institutions internationales, que nos valeurs morales même, avaient infusé tous les continents et que finalement nos démocraties fonctionnaient comme un bouclier à toute confrontation militaire. Mais au printemps 2022, on sait désormais qu’un conflit mondial est possible. Les dépenses militaires repartent à la hausse. Un monde s’effondre…
Il s’agit de comprendre pourquoi « nos démocraties ne tiennent qu’à un fil ». Mme Bujon analyse le cas des États-Unis avec l’épisode Trump et l’arrivée de Biden. L’histoire contemporaine de ce pays-continent, c’est déjà une histoire de guerres, de guerres inutiles, ratées, perdues. De plus, la vie politique intérieure aux États-Unis peut se targuer d’utiliser les mêmes termes (à moins que ce soit l’inverse) que ceux utilisés sur le vieux continent : protectionnisme, nationalisme, isolationnisme. Ainsi, on a d’un côté des institutions fatiguées, vulnérables, le retour des canons et des bruits de bottes qui nous font douter de la capacité de notre civilisation occidentale à garantir la sécurité et de l’autre côté, notre incapacité à imaginer les pistes pour ne pas détruire l’équilibre de notre planète.
À une autre échelle, on s’interroge sur un mal français : le centralisme. On vient encore de l’entendre au moment des élections présidentielles : la France est une et indivisible. Cette doctrine partagée par presque toute la classe politique française est une idéologie dogmatique qui est simplement le début d’un nationalisme. La France serait une particule ultime, pure, indivisible. Sous prétexte d’égalité sur un territoire, sous prétexte d’une culture majoritaire, on fabrique de la frustration et… des inégalités, car bien entendu, sur un territoire grand comme la France d’aujourd’hui, les inégalités ne manquent pas, les pluralités sont évidentes, les spécificités régionales sont réelles. La moindre différence, la plus petite singularité, seront vues comme des inégalités à éradiquer, une entorse à l’unicité qu’il faut réparer. Une spécificité culturelle, linguistique, sociale ? Elle sera reléguée à un folklore ringardisé, à un régionalisme borné, au mieux à une curiosité ethnique touristique.
Pierre Klein l’écrit avec pertinence : « Nous rejetons la variante dans laquelle le régionalisme prend une dimension ethno-nationaliste. L’Alsace n’est véritablement alsacienne que dans la confluence et la synthèse des cultures, notamment française et allemande. » Malgré des efforts à vouloir « régionaliser » la France, celle-ci reste très largement administrée et gouvernée à un niveau national et laisse aux Régions et collectivités territoriales de quoi s’occuper un peu… mais elles n’ont pas ou peu de pouvoir. A ces niveaux du territoire, on parlera plus de gérer et administrer, l’initiative politique devenant anecdotique. Ce n’est pas pour autant que l’on ne doit pas se mobiliser pour re-trouver des Régions aux « contours pleinement acceptés ». Il est d’ailleurs étonnant de constater le peu de réactions du politique face à la volonté réelle et perceptible d’un « retour » du local. On veut produire et consommer local. Mais aucune perspective d’une « relocalisation » des pouvoirs de décision. Le principe de subsidiarité, politique donc, voudrait que les institutions s’adaptent à cette évolution. Cependant, le mouvement de type Jokari perdure : on veut bien envoyer la balle vers la périphérie provinciale, histoire de s’amuser un peu, mais elle reste solidement arrimée à son socle parisien pour ne jamais le quitter. Si ce jeu a fait le bonheur français un temps (depuis les Capétiens ?), il s’agirait d’évoluer… et de couper le fil du Jokari. On dit trop souvent que la culture du fédéralisme n’est pas dans la culture française. Pourquoi devrait-on en rester à ce constat ? C’est une affection qui peut se guérir avec un peu de courage et de hauteur politique. On entend souvent dire que notre République accorde trop de pouvoir au Président. On vivrait dans une monarchie républicaine. Peut-être. Et si toute cette exaspération qui se manifeste dans les rues, avec les grèves, les manifestations, les mouvements en tous genres était aussi une forme –non-avouée peut-être– d’un ras-le-bol face à cette gouvernance trop centralisée ?
Pierre Klein fait appel au droit à la différence, « une notion philosophique qui relève du droit naturel […], le droit d’être différent, un droit pour chacun, individu ou collectivité […] le droit de gérer la différence, sa différence ». L’unité est gage de cohésion et de solidarité, l’unicité est une négation de la singularité et de la liberté.
Cet article est tiré de la publication du colloque « Région, Régionalisation, Régionalisme. » qui s’est tenu à Strasbourg le 25 septembre 2021. Nous aurions pu ici reproduire l’ensemble des contributions car elles sont toutes d’une justesse remarquable. C’est une lecture indispensable pour bien comprendre les enjeux liés à l’avenir de notre région et de la démocratie en France.
Afin de saisir ces évolutions de nos démocraties, la philosophie peut nous permettre de prendre du recul, de la hauteur. Retournons à cette question : qu’est-ce que l’Homme ? Je relève ici que Marc Chaudeur, philosophe, pointe trois révélations successives dont la troisième ne nous est pas encore tout à fait consciente : Dieu, l’Homme, la Terre. Notre civilisation englobe les trois. L’universel humain est interrogé. Il en appelle à la nouvelle anthropologie, et comme on le sait si bien, une bonne théologie est d’abord une bonne anthropologie. Faisons alors aussi un peu, beaucoup, passionnément de la théologie. Les articles publiés dans ces Cahiers du FEC 2022 sont pour cela non pas longs, mais bien calibrés. Il faut « accorder du temps au temps ».
On lira aussi avec intérêt l’article de Jean-Paul Sorg « Mémoires militantes de la culture alsacienne », titre éponyme d’un ouvrage de référence publié par Armand Peter en 2018. Qu’est-ce qu’est devenu le peuple ? « Exploité dans son travail par le capital, bien entendu, mais en outre, nouveau phénomène, il est aliéné comme masse dans la consommation (…). Remplacement du peuple par les masses ». Cette masse ne participera plus au Front culturel alsacien, mais au Front national. Suite aux premières lois de décentralisation (1982), il y a espoir. Mais « ça piétine ». « … pour les forces nationales qui travaillent l’inconscient politique de la république française, c’est encore trop, trop de particularités alsaciennes, trop de différences régionales qui contreviennent au principe de l’égalité et de l’unité indivisible. Ces Alsaciens votent toujours mal (…) encore la tête tournée vers l’est, le bassin rhénan, l’Allemagne, Mitteleuropa. On va leur tordre la tête de force vers l’ouest… en fusionnant dans un Grand Est ! Aberration géographique, géoéconomique, caractérisée. Point de vue franco-centrique immature ».
Lors d’une Matinée du FEC, nous nous sommes penchés sur la crise du syndicalisme. Le « citoyen » est prompt à critiquer, de préférence les élus, mais tout le monde y passe : la presse, l’Eglise, les joueurs de foots et les syndicats. Souvent pauvre en arguments, la critique est difficilement recevable quand derrière il n’y a souvent qu’un consommateur qui veut consommer… Suis-je méchant ou réaliste ? Les deux peut-être. Les humbles, les modestes, les besogneux, les oubliés se taisent souvent, et c’est une certaine « classe moyenne », qui a peur du déclassement, de l’étranger, du puissant et du riche qu’elle voudrait tant être qui s’agite. On doit le rappeler : dans nos démocraties il y a des contre-pouvoirs, des « structures », des mouvements, des associations etc. qui peuvent s’exprimer et qui fonctionnent. Inutile d’aller vers des think-tank téléguidés, opportunistes ou élitistes, même s’ils peuvent avoir leur utilité sur certains points. Il y a ces bons vieux syndicats qui ont déjà l’immense mérite d’exister depuis longtemps, qui peuvent se targuer d’avoir été à l’origine de nombreux progrès sociaux et qui demeurent des lieux d’expertise.
Sans se cacher derrière le petit doigt, il y a une crise de l’engagement syndical. Cependant, et à y regarder de près, face aux autres institutions et associations, il ne faut pas désespérer.
Dans notre dossier nous analysons d’abord la situation actuelle grâce à l’expérience que nous font partager des syndicalistes bien entendu, mais aussi des professionnels : avocats, professeurs etc. Le Droit du travail a beaucoup évolué, l’entreprise aussi. Les modes de communication, les modes de productions, les savoirs, la mobilité sont en constante mutation. Les syndicats se doivent, et ils y travaillent, de partager la responsabilité sociale de la vie d’une entreprise. Ils ne peuvent plus se construire sur la défense individuelle ou collective du salarié, sans s’engager dans un travail plus large, mondial même, où l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise doivent être prises en compte. Les questions environnementales, l’utilité sociale, l’intégration locale, autant de points que les syndicats et les dirigeants d’entreprises ne peuvent plus aborder seuls. Ces défis ne peuvent être affrontés que par l’engagement des uns et des autres, dans des organismes qui existent déjà et que l’on peut rejoindre, pour les réformer de l’intérieur si l’on veut. Il faut peut-être arrêter de perdre son temps à occuper des ronds-points, à démonter des abris-bus ou à sillonner les rues des grandes villes, mais s’engager, penser, transformer et initier les réformes à travers l’engagement.
A travers un chapitre intitulé Alsace : culture et littérature, nous avons une autre piste pour comprendre notre monde aujourd’hui… L’aventure des humanistes rhénans de Sélestat si bien racontée par Gabriel Braeuner, nous plonge dans le monde d’érudition de ces innovateurs…
Un roman de Pierre Kretz est mis à l’honneur par Jean-Paul Sorg. On y re-découvre toute la richesse du roman, un genre littéraire qui a trop de dérivés médiocres, quelconques, avec trop souvent des personnages insignifiants ou hyperbolisés. L’épaisseur des âmes y est fine comme papier cigarette, mais avec Pierre Kretz et ses personnages on « connaît l’humanité dans toute son épaisseur ».
Charles Fichter nous plonge dans l’oeuvre de René Ehni et de sa terrible expérience de la guerre d’Algérie. Le voile se lève doucement sur ce morceau d’histoire qui a laissé tant de traces et qui explique, certainement, beaucoup des comportements politiques d’aujourd’hui.
Christine Muller a fait un travail remarquable sur la question du vaccin. Nous pensions avoir tout lu ou entendu… Lisons avec attention : on a ici une magistrale synthèse de cette question.
En 1920 naissait Camille Claus. Nous étions nombreux à vouloir lui rendre hommage en 2020 pour le centenaire de sa naissance, mais les contraintes liées à la Covid nous ont obligé à repousser les rencontres. Il s’en serait amusé… L’artiste a traversé le XXème siècle comme artiste bien entendu, mais aussi comme témoin. Il fut incorporé de force dans l’armée allemande, a connu Tambov. Il participera avec bien d’autres à l’aventure du FEC avec frère Médard. Il connaîtra le réveil écolo, la guerre froide, mai 68, la spiritualité libérée, la gauche au pouvoir… et sa peinture en sera comme un lointain mais ultra-sensible sismographe. Les trois articles que nous publions sont d’une remarquable complémentarité. Christine Muller nous entraîne dans une subtile analyse, CC ou l’art de la fuite. Marc Chaudeur retrace avec sensibilité et profondeur d’âme la rencontre de deux amis, CC et Jean Witt. Enfin, nous publions quelques extraits d’un entretien que CC a accordé à Jean-Pierre Piella et Jean-Michel Bass au début des années 1980.
Un grand merci à tous les rédacteurs de cette édition 2022 d’ELAN : l’aventure continue !
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